Comité de défense du VERITABLE CAMEMBERT

 

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DES MICRO-ORGANISMES

La flore native est la base du fromage,

son lien avec le terroir.

La microflore utile provient de l’animal, plus particulièrement de la peau de ses mamelles, et des pratiques humaines lors de la traite, de la collecte et de la transformation.

Des conditions d’hygiène rigoureuses sont nécessaires pour éviter la présence de micro-organismes pathogènes.

Le lait contient une très grande diversité de microrganismes dont la nature est directement liée à l’histoire du produit qui sont les acteurs incontournables de l’élaboration des caractéristiques sensorielles des fromages.

Sous le microscope, tout un écosystème

Le fromage est souvent considéré comme un micro-écosystème, car il comprend une partie composée d'une communauté microbienne vivant dans un milieu physique et chimique, les constituants du lait, et subit l'influence de nombreux facteurs environnementaux. Son fonctionnement est donc complexe.

Dans la pâte du fromage vont essentiellement se développer les flores microbiennes initialement présentes dans le lait (bactéries lactiques comme Streptococcus thermophilus ou Lactococcus lactis, principaux agents de la fermentation), alors qu'à la surface, outre la flore du lait, des micro-organismes pouvant être apportés par l'ensemencement de la croûte (pulvérisation, saumurage) ou par des contaminations en cours d'affinage vont avoir la possibilité de se multiplier.

La croissance des populations microbiennes est différente dans la pâte et sur la croûte et varie pour des fromages issus de technologies différentes, voire de même technologie.

Elle est fonction de nombreux paramètres :

  • chauffage ou non du caillé (de moins de 40 °C pour les pâtes molles à un peu plus de 50 °C pour les pâtes cuites (emmental, comté, etc.), élimination de nombreux de micro-organismes présents dans le lait.
  • pressage (avant ou après salage)
  • pH (les bactéries lactiques acidifient, mais les levures peuvent ensuite désacidifier la pâte en début d'affinage)
  • taille du fromage (petite pour les pâtes molles, dont la conservation est limitée; de gros volume pour les pâtes cuites comme le comté, ou non cuites, comme le cantal)
  • salage (dans la masse ou en surface)
  • température (le camembert est affiné à 10-12 °C, tandis que l'emmental voit sa flore se développer à 22 °C)
  • durée d'affinage (de quelques semaines pour les pâtes molles à quelques mois pour les pâtes cuites et non cuites)
  • composition biochimique (teneurs en matière grasse, protéines, vitamines, etc.) et chimique (minéraux, addition possible de chlorure de calcium, notamment) du lait.

Sur la croûte, elle est aussi influencée par

  • les soins apportés (salage, brossage),
  • l'environnement gazeux,
  • la température et
  • l'hygrométrie des caves d'affinage.

Tous ces micro-organismes vivent en communauté à la superficie ou au centre de la pâte. Les différentes souches microbiennes s'entraident pour vivre, entrent en compétition, se supportent et se détruisent (élimination des pathogènes) les unes les autres, en transformant les constituants du lait et du fromage. L'ensemble de ces interactions gouverne la structure des communautés microbiennes et leurs activités.

Les bactéries lactiques jouent un rôle primordial dans les premières étapes de la transformation du lait, assurent de multiples fonctions :

  • acidification,
  • formation des arômes,
  • contribution à l’élaboration de la texture,
  • barrière aux pathogènes

Quelles que soient les technologies fromagères, les bactéries lactiques acidifiantes se multiplient toujours en début de fabrication : elles ont pour rôle de transformer le lactose, principal sucre du lait, en glucose et en galactose, qui seront dégradés à leur tour en acides, essentiellement en acide lactique.

Elles sont nécessaires à la phase d'acidification, qui est cruciale dans le processus technologique, car elle participe à la coagulation ainsi qu'à l'égouttage du caillé, et détermine, en particulier, la texture finale du fromage (pâte molle, pâte dure).

Propres à chaque technologie fromagère, les bactéries lactiques jouent un rôle capital dans la sélection des micro-organismes initialement présents dans le lait. Elles doivent aussi être suffisantes pour faire barrière aux pathogènes, mais elles ne doivent pas être excessives, afin de préserver les micro-organismes qui devront agir pendant l'affinage.

Des arômes et des saveurs sont révélés lors de l'affinage quand la production de molécules sapides et aromatiques est générée par l’activité des microorganismes qui dégradent le lactose, les matières grasses et les protéines du lait.

Les bactéries lactiques sont un des garants de la qualité sanitaire des produits.

Il faut savoir aussi que l'évolution des populations microbiennes est spécifique pour chaque technologie fromagère.

Les populations microbiennes sur la croûte sont bien plus diverses et atteignent des niveaux de population souvent beaucoup plus élevés. Arthrobacter, Corynebacterium variabilis, etc. sont les bactéries dominantes, souvent absentes à l'intérieur des fromages. Non seulement la flore de surface est importante pour la flaveur, mais elle contribue aussi à l'aspect des fromages. Le feutrage blanc du camembert peut ainsi être attribué au développement de Penicillium camemberts, tandis que la couleur rouge caractéristique de certains fromages (livarot, munster, etc.) est essentiellement due au développement de Brevibacterium linens.

Maîtrise des écosystèmes microbiens et Sécurité microbiologique

Les flores microbiennes des laits crus sont diverses et variées quand aucun traitement n'est appliqué pour les réduire.

Certaines fabrications fermières se caractérisent ainsi par la stabilité de leurs écosystèmes microbiens et la quasi absence de pathogènes dans les fromages. Les communautés microbiennes diverses peuvent en effet inhiber les germes pathogènes par différents effets barrières successifs (« hurdle principle ») comprenant acidification, phénomènes d'antagonisme et de compétitions nutritionnelles.

La stratégie du vide microbiologique a révélé ses limites pour l'élimination des pathogènes car si un contaminant apparaît, son développement peut être favorisé par l'absence de compétition microbienne.

Des études de vieillissement ont montré que même à des concentrations de départ inférieures à 10/1 de lait, la Listeria peut atteindre de fortes concentrations dans des conditions favorables de développement.

On doit donc réellement s'interroger sur le fait de savoir si, obtenir des laits avec un seuil très bas de germes pathogènes résiduels – seuil qui ne pourra, par principe même, jamais atteindre réellement zéro – et que l'on (re)ensemencera, doit être considéré comme un progrès pour la sécurité du consommateur et un succès techmologique, quelle que soit la technique utilisée !

Il est d'autre part indéniable que les communautés microbiennes naturelles peuvent générer une diversité de molécules aromatiques à l'origine de la diversité sensorielle des produits au lait cru, que la pasteurisation ou la micro-filtration suivie d'un réensemencement d'un nombre limité de souches ne pourront jamais égaler au plan des qualités sensorielles.

La production des fromages au lait cru d’appellation d’origine contrôlée (AOC) met en œuvre dans les phases de fabrication et d'affinage des flores microbiennes très variées apportées par ensemencement naturel du lait et de la surface des fromages.

Souchothèques :

L’unité de recherches fromagères (URF) d’Aurillac du centre de recherches de Clermont-Theix développe des recherches dont le but est de garantir la sécurité sanitaire des fromages tout en conservant leur diversité sensorielle.

Dans cette optique, elle gére des communautés bactériennes dans toute leur diversité, de la ferme aux fromages affinés. : constitution de collection de consortia microbien ou de souches pures et maintien de la biodiversité tout au long de la chaîne de production. Ces deux stratégies de préservation s’enrichissent l’une l’autre.

Ces collections des souches microbiennes rassemblent ainsi :

• des bactéries lactiques appartenant aux genres Lactobacillus, Leuconostoc, Enterococcus, Lactococcus, Pediococcus et Streptococcus thermophilus, Staphylococcus et des bactéries corynéformes (Corynebacterium flavescens, Brevibacterium linens, Brachybacterium tyrofermentans…) ;
• des levures des genres Kluyveromyces, Debaryomyces, Saccharomyces, Yarrowia, Candida, Pichia et Geotrichum ;
• des moisissures du genre Penicillium ou des espèces moins fréquentes du genre Cylindrocarpon (moisissure caractéristique du Saint-Nectaire) ou Gymnoascus (moisissure impliquée dans le «boutonné» caractéristique de la croûte des fromages Cantal, Salers et Laguiole).

Ces souches sont identifiées en combinant des méthodes phénotypiques et des méthodes moléculaires. Leurs aptitudes technologiques, seules ou en association (flaveur, inhibition des pathogènes) sont également caractérisées ... pour mieux l’utiliser.

Les souches en collection sélectionnées permettent de préserver la typicité des AOC du Massif-Central, de garantir la richesse de l'offre produit et la diversité sensorielles des fromages.

Des arômes et des saveurs

La texture, la couleur, l’arôme, le goût…d’un fromage se forment grâce aux interactions d’un très grand nombre de composants, dont la nature est directement liée à l’histoire du produit. Le rôle des micro-organismes dans la production des molécules sapides et aromatiques est difficile à établir. La flaveur résulte d'un équilibre subtil entre de multiples composés : acides, alcools, esters, amines, composés carbonylés et soufrés, etc., en interaction avec une matière lipidique et protéique.

Si chaque molécule possède un arôme particulier, qui dépend de sa concentration, c'est un ensemble de molécules qui confère au produit ses caractéristiques. Par exemple, un fromage dans lequel les bactéries synthétiseront de grandes quantités de butanedione aura plutôt « doux » de beurre-caramel. En revanche, dans un autre, où des composants comme l'acide isovalérique (issu de la dégradation de la valine) seront abondants, la connotation sera plus « animale ». Toutes ces molécules dérivent de la transformation des principaux constituants du lait, par une succession de réactions enzymatiques, simultanées ou séquentielles, pendant tout l'affinage. Cette transformation est déterminée non seulement par la dynamique des populations microbiennes au centre de la pâte, mais aussi par celle qui se trouve en surface, dont l'importance est plus ou moins forte selon les produits. Ainsi, l'incidence de la flore de surface sera particulièrement marquée dans les fromages de petit format à pâte molle et croûte lavée, de type camembert, livarot ou pont-l'évêque.

La diversité sensorielle des fromages naît donc de la diversité de leur flore microbienne et des facteurs qui vont influencer leur développement et leurs activités. Elle s'exprime pleinement dans les fromages au lait cru qui ont, comme on l'a vu plus haut, des caractéristiques variables, des goûts riches et des arômes puissants, en raison notamment de la variété de leur flore microbienne. Les chercheurs sont loin d'avoir compris tous les secrets de ces communautés complexes, tant leurs potentialités sont immenses.

L'industrie fromagère sait aujourd'hui reconstituer, puis gérer des communautés microbiennes simples et souhaite, dans un proche avenir, percer enfin le secret de ces micro-organismes pour offrir aux consommateurs une gamme de produits toujours plus élargie.

Pourquoi le camembert sent-il si fort ?

La richesse aromatique des fromages provient de molécules odorantes dont la plupart sont générées par l'activité microbienne. En effet, les technologies utilisées pour fabriquer le caillé vont créer un terrain propice à la croissance d'ensembles microbiens spécifiques, qui vont dégrader l'acide lactique, la caséine comme les triglycérides composant le caillé. En particulier, ces micro-organismes sont des catalyseurs de réactions chimiques qui produisent, par des voies métaboliques très diverses et complexes, de nombreuses molécules volatiles et aromatiques (cent à quatre cents structures chimiques différentes seront ainsi synthétisées). Les quantités présentes sont le plus souvent très faibles. La complexité aromatique de ces produits vient de l'équilibre quantitatif entre les différents composés aromatiques produits par la microflore.

On peut dire que l'arôme d'un fromage sera harmonieux si les composés produits par les bactéries et les champignons existent dans des concentrations telles que les sensations générées se mélangent les unes aux autres sans qu'aucun composé ne « dépasse ».

Il y a quelques années, on trouvait accidentellement des fromages qui sentaient le plastique. On a pu montrer qu'un des composés produits par Penicillium camembert était du styrène. En temps normal, sa perception se fond avec celle des autres composés, participant ainsi à la complexité aromatique du produit. Or, dans des conditions de production particulières, ce composé était présent à une concentration égale à mille fois son seuil de perception. On ne sentait plus que lui et le produit était immangeable.

Source : Éric SPINNLER, enseignant-chercheur lna-PG - http://www.cndp.fr/revueTDC/870-66116.htm